Les traductions de l'incipit de Don Quichotte

Retour à "Première approche"

Le texte original (1605)
   
En un lugar de la Mancha de cuyo nombre no quiero acordarme, no ha mucho que vivía un hidalgo de los de lanza en astillero, adarga antigua, rocín flaco y galgo corredor. Una olla de algo más vaca que carnero, salpicón las más noches, duelos y quebrantos los sábados, lantejas los viernes, algún palomino de añadidura los domingos, consumían las tres partes de su hacienda. El resto della concluían sayo de velarte, calzas de velludo para las fiestas, con sus pantuflos de  lo mesmo, y los días de entresemana, se honraba con su vellorí de lo más fino. Tenía en su casa una ama que pasaba de los cuarenta y una sobrina que no llegaba a los veinte, y un mozo de campo y plaza que así ensillaba el rocín como tomaba la podadera. Frisaba la edad de nuestro hidalgo con los cincuenta años. Era de complexión recia, seco de carnes, enjuto de rostro, gran madrugador y amigo de la caza.
   
     
César Oudin (1614), premier traducteur
     
Dans un village de la Manche, du nom duquel je ne me veux souvenir, demeurait, il n’y a pas longtemps, un gentilhomme de ceux qui ont lance au râtelier, targe antique, roussin maigre et lévrier bon coureur. Une marmite, avec un peu plus de bœuf que de mouton, un saupiquet la plupart du temps à souper, des œufs et du lard les samedis, des lentilles le vendredi et quelque pigeonneau de surcroît les dimanches, consommaient les trois parts de son bien. Le reste s’employait en une saie de fin drap et en des chausses de velours pour les fêtes, avec ses pantoufles de même, et les jours ouvriers il se parait de son gris de minime des plus fins. Il avait en sa maison une gouvernante qui passait quarante ans, une nièce qui n’en avait pas encore vingt, et un valet bon pour les champs et pour la place, lequel sellait aussi bien le roussin comme il prenait la serpe. L’âge de notre gentilhomme frisait la cinquantaine. Il était de forte complexion, sec de corps et maigre de visage, fort matineux et grand amateur de la chasse.
   
   
Louis Viardot (1836) : l’époque romantique
Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un hidalgo de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, bidet maigre et lévrier de chasse. Un pot-au-feu, plus souvent de mouton que de bœuf, une vinaigrette presque tous les soirs, des abattis de bétail le samedi, le vendredi des lentilles, et le dimanche quelque pigeonneau outre l’ordinaire, consumaient les trois quarts de son revenu. Le reste se dépensait en un pourpoint de drap fin, des chausses de panne avec leurs pantoufles de même étoffe, pour les jours de fête, et un habit de la meilleure serge du pays, dont il se faisait honneur les jours de la semaine. Il avait chez lui une gouvernante qui passait les quarante ans, une nièce qui n’atteignait pas les vingt, et de plus un garçon de ville et de campagne, qui sellait le bidet aussi bien qu’il maniait la serpette. L’âge de notre hidalgo frisait la cinquantaine ; il était de complexion robuste, maigre de corps, sec de visage, fort matineux et grand ami de la chasse.
 
   
Aline Schulman (1997) : le parti pris de la modernisation
   
Dans un village de la Manche dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait il n’y a pas longtemps, un de ces gentilshommes avec lance au râtelier, bouclier de cuir à l’ancienne, levrette pour la chasse et rosse efflanquée. Du bouilli où il entrait plus de vache que de mouton, du hachis presque tous les soirs, des œufs au lard le samedi, le vendredi des lentilles et, le dimanche, un pigeonneau pour améliorer l’ordinaire, voilà qui mangeait les trois quarts de son revenu. Un justaucorps de drap fin, avec chausses et pantoufles de velours pour les jours de fête, et l’habit de bonne serge dont il se contentait  les jours de semaine absorbaient le reste. Il avait chez lui une gouvernante de plus de quarante ans, une nièce qui en avait moins de vingt, et un valet bon à tout, qui sellait la rosse aussi bien qu’il maniait la serpe. Notre gentilhomme frisait la cinquantaine ; il était de constitution robuste, sec de corps, maigre de visage, toujours matinal et grand chasseur.
 
   
Jean Canavaggio (2001) : un compromis entre langue classique et modernisation
   
Dans un village de la Manche dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un gentilhomme de ceux qui ont lance au râtelier, bouclier antique, maigre roussin et lévrier chasseur. Un pot-au-feu, avec un peu plus de bœuf que de mouton, un salpicon presque tous les soirs, des œufs frits au lard le samedi, des lentilles le vendredi, quelque pigeonneau de surcroît le dimanche consommaient les trois quarts de son bien. Le reste, il le dépensait en une casaque de drap fin, des chausses de velours pour les jours de fête, avec leurs chaussons de même étoffe ; et les jours de semaine, il se parait de son gris le plus fin. Il avait en sa maison une gouvernante qui passait les quarante ans, une nièce, qui n’en avait pas encore vingt, et un valet de maison et de ferme, qui sellait aussi bien le roussin qu’il maniait la serpe. L’âge de notre gentilhomme frisait la cinquantaine : il était de robuste complexion, maigre de corps, sec de visage, fort matineux et ami de la chasse.