Paul HAZARD,
Don Quichotte de Cervantès, [étude et analyse], Paris, Éditions de la Mellottée, 1949.



        Le temps n’est plus où Cervantès passait pour un homme sans culture, et Don Quichotte pour une œuvre sans pensée. Il n’y a pas au monde de livre semblable à L’ingénieux hidalgo, qui paraisse aussi clair, qui demeure aussi frais ; et qui, en même temps, pose plus de problèmes relatifs à son pays, à l’Europe de son temps, à l’humanité. Les enfants l’ont pris pour leur bien, tant il est simple ; aux hommes, il procure d’infinis sujets de réflexion. Non pas qu’il veuille prouver quoi que ce soit ; non pas qu’il aille, d’un mouvement continu, vers des fins déterminées : il reflète, au contraire, ce que notre être a de multiple, de contradictoire, et de toujours incertain ; c’est là son inépuisable richesse. Sans nous donner aucune leçon, il nous apprend tout, même la sagesse, même la folie. Il ne dogmatise par sur le conflit des apparences et du réel, mais il le place au cœur de notre vie. Il offre tant d’amorces, tant de points de départ, qu’il nous fait entrer à tout moment dans le monde de la pensée et du rêve.
 
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