Anecdote rapportée par Eugène Baret




Eugène BARET, Histoire de la littérature espagnole depuis ses origines les plus reculées jusqu'à nos jours, Dezobry, Fd Tandou et Cie, Paris, 1863
      

"On lit dans un mémoire rapporté par le biographe Pellicer:

"Le très-illustre seigneur don Bernardo de Sandoval, cardinal-archevêque de Tolède, étant allé rendre sa visite à l'ambassadeur français (le duc de Mayenne), qui est venu traiter des affaires relatives aux alliances arrêtées entre les maisons souveraines de France et d'Espagne, quelques gentilshommes de la suite de l'ambassadeur, aussi courtois qu'instruits et amis des lettres, s'approchèrent de moi et d'autres ecclésiastiques attachés au cardinal, mon seigneur. Ils s'informèrent des ouvrages d'imagination les plus recommandables parmi nous; et comme je mentionnai celui dont la censure venait de m'être commise (la deuxième partie de Don Quichotte), aussitôt que j'eus prononcé le nom de Cervantes, ces chevaliers de s'écrier et de témoigner le grand cas que l'on faisait de ses écrits en France et dans les royaumes circonvoisins. Ils s'informèrent dans le plus grand détail de l'âge, de la profession, de la fortune et de la naissance de Cervantes. Je me vis contraint de leur répondre qu'il était vieux, ancien militaire, pauvre et gentilhomme."

"Cette réponse surprit tellement l'un des grands seigneurs français qu'il ne put s'empêcher de dire: Eh quoi! L'Espagne ne fait pas la fortune d'un tel homme? Il mériterait d'être nourri aux frais du public. Mais un autre seigneur prenant la parole: Si, dit-il, avec infiniment d'esprit, c'est par besoin que Cervantes a écrit de si belles choses, Dieu veuille qu'il ne connaisse jamais l'aisance. Il restera pauvre, mais ses oeuvres enrichiront l'univers entier."

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